Des particules issues de la désintégration naturelle des éléments radioactifs présents au sein de la Terre, des antineutrinos "géologiques", viennent, pour la première fois, d’être détectées, annonce jeudi dans la revue Nature l’équipe de l’expérience japonaise KAMland.
Ces résultats, indiquent les 87 chercheurs conduits par Giorgio Gratta, de l’Université de Stanford (Californie), et le Pr Asuto Suzuki, vice-président de l’Université Tohoku, à Sendai, confirment les modèles géophysiques et géochimiques et ouvrent de nouvelles perspectives pour l’étude de notre planète. Les neutrinos comptent parmi les douze particules du Modèle standard élaboré par les physiciens pour expliquer la constitution de notre matière. On en connaît trois : le neutrino électronique, le neutrino muonique et le neutrino tauïque. Les neutrinos existent en nombre considérable dans l’Univers : ils sont émis par les étoiles au cours de leur vie, par les supernovae, issus des réactions des rayons cosmiques, produits dans les centrales nucléaires et les accélérateurs de particules et lors de la désintégration des éléments radioactifs de la Terre - il s’agit ici d’antineutrinos - ou sont des reliques des "débuts" de l’Univers. Ces particules peu massives interagissent très faiblement avec la matière : sur 100.000 milliards qui traversent la Terre, par exemple, un seul est arrêté. Malgré les difficultés que présente leur capture, plusieurs expériences ont été montées, et la physique des neutrinos est en plein essor. Pour connaître l’intérieur de la Terre, les scientifiques ne disposent que d’un seul outil : la sismologie. C’est en analysant la propagation des ondes sismiques qu’ils ont découvert que la Terre était constituée de trois parties très différentes : un noyau métallique, entouré de métal fondu, un manteau et une croûte. Les mouvements de convection au sein du manteau engendrent notamment la tectonique des plaques et les séismes.
L’énergie totale dissipée par la Terre (sa chaleur) est comprise, estiment les géophysiciens, entre 30 et 44 térawatts, dont 19 TW au total sont attribués à la désintégration de trois de ses constituants : l’uranium-238, le thorium-232 et le potassium-40. C’est l’énergie issue de cette radioactivité qui pilote la tectonique des plaques et c’est lors des processus de désintégration que naissent les antineutrinos géologiques. Conçue en particulier pour l’étude de ces "géoneutrinos", l’installation KamLAND, installée au Japon à 1.000 mètres de profondeur, est une sphère de matière plastique qui contient 1.000 tonnes de liquide scintillateur, entourée de 1.325 photomultiplicateurs. Chaque antineutrino qui interagit avec un proton du liquide produit un électron et un neutron. Celui-ci se combine avec un proton pour former un deutéron et libérer de l’énergie : un éclair de rayonnement gamma caractéristique.
Cette lumière est captée et amplifiée par les photomultiplicateurs et analysée par l’informatique qui leur est associée. On détermine ainsi l’énergie de ces neutrinos, leur direction... En deux ans, 152 antineutrinos "potentiels" ont été enregistrés par KamLAND, dont vingt-cinq seulement ont été retenus par les chercheurs comme antineutrinos "géologiques", dus à la désintégration de l’uranium et du thorium. De l’analyse de ces géoneutrinos, les chercheurs déduisent que la désintégration de l’uranium et du thorium contribue à la production énergétique de la Terre à hauteur de 16 TW environ, ce qui concorde avec les modèles. "L’obtention des rapports de concentration thorium-uranium", explique Norman Sleep, professeur de géophysique à l’Université de Stanford, "va aider les scientifiques à mieux comprendre les processus qui ont lieu dans les profondeurs de la Terre."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire