lundi, septembre 12, 2005

Un sac à dos qui produit de l'électricité

n Irak, le fantassin américain moyen porte environ 10 kg de batteries ­ l'équivalent du tiers de la masse de son paquetage. Il en a besoin pour sa radio, son système GPS, ses lunettes de vision nocturne, mais aussi pour les systèmes d'alarme nucléaire, bactériologiques et chimiques (NBBC). En 2003, la revue Defense Tech notait la dépendance des troupes vis-à-vis de batteries jetables dont la fiabilité et la longévité étaient sujettes à caution. Le département de la défense américain alloue des sommes considérables à des recherches concernant les piles à combustible.


Un simple sac à dos monté sur ressorts pourrait bien apporter aux soldats, mais aussi aux professionnels forcés d'opérer en autonomie, une solution élégante. Le dispositif, présenté dans la revue Science par une équipe de l'université de Pennsylvanie, consiste à utiliser la composante verticale ­ de 5 à 7 cm ­ du mouvement induit par la marche pour actionner un générateur électrique. Le système pèse 5,6 kg. Si on lui adjoint une charge de 38 kg et que l'on marche à 6,5 km/h, on peut produire 7,4 watts électriques.

"C'est 300 fois plus qu'avec des systèmes piézo-électriques installés dans des talons de chaussures" , se félicitent Lawrence Rome et ses collègues. Ces dispositifs, qui sont limités par l'élasticité maximale que l'on peut donner aux semelles sans rendre la marche périlleuse, ne produisent que 10 à 20 mW, soit beaucoup trop peu pour alimenter un téléphone cellulaire ou un récepteur GPS (moins d'un watt).


RENDEMENT MUSCULAIRE


Les chercheurs ont eu la surprise de constater que le métabolisme du porteur n'était pas sollicité en proportion de l'énergie électrique produite. Ils ont en effet comparé la consommation d'oxygène et la production de dioxyde de carbone de personnes appareillées avec leur sac à dos en position fixe (sans production d'électricité) et avec les ressorts enclenchés. Alors que le rendement musculaire est en général de 25 %, ils ont constaté que l'effort additionnel du marcheur correspondait à un rendement apparent de... 63 %.

"Le mécanisme de compensation reste un mystère" , reconnaissent les chercheurs américains, qui comparent le phénomène à la surprenante efficience des femmes africaines portant de lourdes charges sur la tête. La charge sur ressorts induit des changements subtils dans la marche ­ notamment une réduction de l'élévation de la hanche, et un décalage temporel dans l'application de la force maximale du paquetage ­ qui pourrait expliquer l'épargne d'énergie.

Cette remarquable efficacité du métabolisme humain offre un autre avantage : à potentiel énergétique équivalent, la nourriture supplémentaire à emporter dans une expédition pèse de 20 à 6,7 fois moins, respectivement, que les batteries lithium et zinc-air. Ultime raffinement : les concepteurs du sac à dos suspendu imaginent déjà des systèmes de ventilation du marcheur.

Hervé Morin
Article paru dans l'édition du 10.09.05

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