samedi, octobre 29, 2005

Comment le cerveau génère-t-il son horloge interne ?



Selon des scientifiques américains, le cerveau est une véritable "machine temporelle". Et comprendre comment le cerveau gère son temps est essentiel à la compréhension de toutes ses fonctions. Les horloges internes du cerveau coordonnent un vaste champ d'activités comme la communication, la coordination des mouvements ou l'alimentation.

Dans un article de "Nature Reviews Neuroscience" d'octobre 2005, les neurologistes Catalin Buhusi et Warren Meck de l'Université Duke à Durham en Caroline du Nord, décrivent l'état actuel des connaissances sur l'une des plus importantes mais mystérieuses horloges du cerveau, celle qui régit la synchronisation dans une échelle de temps qui s'étend de la seconde à la minute. Cette "synchronisation d'intervalle" occupe un domaine neurologique situé entre deux autres horloges, l'horloge circadienne liée au cycle jour-nuit de 24 heures, et l'horloge à l'échelle de la milliseconde qui contrôle la motricité ou la génération et l'identification de la parole.

La synchronisation d'intervalle est utilisée pour des tâches comme la marche, la manipulation d'objets, le suivi d'une conversation ou la perception des objets dans son environnement.

"Elle nous est utile pour comprendre l'ordre temporel des événements, par exemple lors d'une conversation" explique Meck. "Pour comprendre le discours, le cerveau non seulement doit traiter des intervalles de temps de l'ordre de la milliseconde impliqués dans l'attaque de la voix, mais également appréhender la durée des voyelles et des consonnes. En outre, pour répondre, il doit rythmer la parole, organiser les pensées avec cohérence et répondre de façon opportune. C'est là toute la synchronisation d'intervalle, et en fait il est difficile de trouver un quelconque processus comportemental complexe dans lequel elle ne soit pas impliquée".

Selon lui, le déchiffrement des mécanismes neuraux de telles horloges est sans doute plus fondamental à la compréhension du cerveau que, par exemple, le traitement neural de la position dans l'espace et du mouvement. Pour Buhusi, le temps est plus fondamental que l'espace, parce qu'on peut simplement fermer les yeux et revivre des événements à rebrousse-temps, ou se projeter dans l'avenir pour prévoir quelque chose, sans changer de position dans l'espace.

La compréhension du mécanisme de la synchronisation d'intervalle est très difficile parce qu'il est "amodal", selon les deux scientifiques. Cela signifie que son horloge est indépendante de tout sens, le toucher, la vue, l'audition, le goût ou l'odorat. Ainsi, elle ne peut pas être localisée dans un secteur déterminé du cerveau, comme peut l'être l'horloge circadienne, qui a des entrées claires situées dans la vision et qui déclenche l'émission cyclique des hormones circadiennes.

"Ce processus doit être distribué puisqu'il est capable intégrer les informations de tous les sens", indique Meck. "Mais surtout, comme il est impliqué dans l'apprentissage et la mémorisation, on pourrait penser que le temps n'est pas directement perçu, et que nous effectuons des discriminations temporelles par rapport à des souvenirs de durées antérieures. Cela rend le mécanisme de la synchronisation d'intervalle plus confus, allant jusqu'à faire douter qu'une horloge interne de la sorte puisse même exister".


Un pacemaker dans le cerveau ?

Dans les années 80 Meck et son équipe avaient proposé une théorie basée sur un modèle de "stimulateur-accumulateur". Quelque part dans le cerveau devait se trouver un stimulateur biologique indépendant qui émettait régulièrement des impulsions de synchronisation neurales, une espèce de "tic-tac". Les recherches plus récentes, menées par Meck et ses collègues de l'université Duke, ont conduit au développement d'un modèle de "détection de coïncidences" des oscillations de l'activité neurale impliquant une zone appelée le striatum. Le striatum est une partie de la structure de cerveau qui commande des fonctions de base du corps humain comme le mouvement.

Dans ce modèle, explique Buhusi, "chaque structure du cerveau contribue à sa propre résonance, et toutes ces oscillations sont surveillées et intégrées par les circuits "striataux". C'est comme un chef qui écoute son orchestre qui se compose de différents musiciens et qui, par le battement de sa baguette, synchronise l'ensemble de sorte que les auditeurs perçoivent une harmonie".

Ainsi, en quelque sorte, c'est le cerveau dans son ensemble qui est une machinerie complexe de synchronisation d'intervalle, dans laquelle les différentes structures occupées par leur propre charge neurale, produisent des résonances qui sont intégrées pour devenir les tops de l'horloge neurale.

Source: Duke University

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